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A tort ou à raison
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29 octobre 2014

Vous avez dit Cornelius Castoriadis ? (2)

Voici ce que disait cet auteur en 1993 dans un entretien avec Olivier Morel, publié ensuite en 1994 dans la République internationale des lettres sous le titre  « la montée de l’insignifiance »

« Compte tenu de la crise écologique, de l’extrême inégalité de la répartition des richesses entre pays riches et pays pauvres, de la quasi-impossibilité du système de continuer sa course présente, ce qui est requis est une nouvelle création imaginaire d’une importance sans pareille dans le passé, une création qui mettrait au centre de la vie humaine d’autres significations que l’expansion de la production et de la consommation, qui poserait des objectifs de vie différents pouvant être reconnus par les êtres humains comme valant la peine. Cela exigerait évidemment une réorganisation des institutions sociales, des rapports de travail, des rapports économiques, politiques et culturels. Or cette orientation est extrêmement  loin de ce que pensent, et peut-être de ce que désirent les humains aujourd’hui. Telle est l’immense difficulté à laquelle nous avons à faire face.  Nous devrions vouloir une société dans laquelle les valeurs économiques ont cessé d’être centrales (ou uniques), où l’économie est remise à sa place comme simple moyen de la vie humaine e non comme fin ultime, dans laquelle donc on renonce à cette course folle vers une consommation toujours accrue. Cela n’est pas seulement nécessaire pour éviter la destruction définitive de l’environnement terrestre, mais aussi et surtout pour sortir de la misère psychique et morale des humains contemporains. Il faudrait donc que désormais les êtres humains (je parle maintenant des pays riches) acceptent un niveau de vie décent mais frugal, et renoncent à l’idée que l’objectif centrale de leur vie que leur consommation augmente de 2 à 3 % par an. Pour qu’ils acceptent cela, il faudrait qu’autre chose donne sens à leur vie. On sait, je sais ce que peut être cette autre chose – mais évidemment cela ne sert à rien si la grande majorité des gens ne l’accepte pas et ne fait pas ce qu’il faut pour qu’elle se réalise. Cette chose, c’est le développement des êtres humains, à la place du développement des gadgets. Cela exigerait une autre organisation du travail, qui devrait cesser d’être une corvée pour devenir un champ de déploiement des capacités humaines ; pourtant la participation de tous à la prise des décisions ; une autre organisation de la paideia  pour former des citoyens capables de gouverner et d’être gouvernés, comme disait admirablement Aristote – et ainsi de suite. Bien évidemment, tout cela pose des problèmes immenses : par exemple, comment une démocratie véritable, une démocratie directe, pourrait-elle fonctionner non plus à l’échelle de 30 000 citoyens, comme dans l’Athènes classique, mais à l’échelle de 40 millions de citoyens comme en France, ou même à l’échelle de plusieurs milliards d’individus sur la planète. Problème immensément difficiles, mais à mon avis solubles – à condition précisément que la majorité des êtres humains et leurs capacités se mobilisent pour créer des solutions -, au lieu de se préoccuper de savoir quand est-ce que l’on pourra avoir une télévision 3-D."

 

 

 

 

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Commentaires
P
Si si, une tribu... (petite)
G
Peut-être ne fais-tu pas suffisamment confiance à l'Homme ;) ?
P
Intéressant et tout à fait sensé, ça me rappelle (quelques années avant) l'An 01 de Gébé... Malheureusement (et je n'ai plus les sources) ce n'est même pas au niveau de 30 000 personnes que ça pourrait fonctionner mais au niveau d'une tribu...
A tort ou à raison
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